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CARNET NOIR: Hélène Martini, l'ex-patronne des Folies Bergère, est morte à 92 ans

Elle mérite un salut appuyé. A « l’impératrice de la nuit », ou « la comtesse » comme on la surnommait à sa grande époque, les Parisiens noctambules reconnaissants, et les autres aussi, pour un destin si discret mais tellement romanesque.
Hélène Martini, née Hélène de Creyssac, disparue samedi à 92 ans, des suites d’une longue maladie, avait possédé les Folies Bergère - qu’elle a dirigé d’une main de fer dans un gant de velours noir french cancan de 1974 à 2011 - les Bouffes Parisiens, Mogador, la Comédie de Paris, mais aussi des cabarets-clubs comme le Raspoutine et le Shéhérazade. Cette femme à la voix très douce, marquée jusqu’au bout d’une pointe d’accent de l’est européen, a régné sur un empire de 17 cabarets et salles de spectacle, avec Pigalle comme capitale.


Hélène Martini fête ses 10 ans à la tête des Folies Bergère, le 3 juin 1985, avec Marcel Amont, Annie Cordy, Dalida, Line Renaud, Jacqueline Maillan.

CARNET NOIR: Hélène Martini, l'ex-patronne des Folies Bergère, est morte à 92 ans

Elle aurait pû sortir d’un récit de Romain Gary, elle venait du même monde, entre errances, flamboyance slave, panache et grand jeu. Née en Pologne dans l’actuelle Biélorussie, d’un père français et d’une mère russe, elle les perd tous les deux pendant la guerre, et échappe d’un cheveu à une balle tirée par un officier russe ivre : « Il m’a dit : Je vais te tuer, et m’a ratée de peu. Pour l’amadouer, je lui ai récité en russe des passages entiers de Gogol », nous confiait-elle en 2012, quand elle avait vendu aux enchères les 6 000 costumes et accessoires des Folies Bergères.

 

Après, on n’a plus peur de rien. Déportée par les Allemands… et les Russes, la jeune femme de vingt ans s’en sort, émigre à Paris, est invitée par une copine aux Folies Bergères, trouve les filles pas plus géniales qu’elle, se fait embaucher comme mannequin. Au culot : « Danser, j’en aurais été incapable. Je ne savais rien faire. J’apprends tout à l’instinct », nous confiait-elle encore dans son palais bien caché de la place Pigalle, un immeuble entier avec jardin d’hiver, toiles de maîtres, décor rococo, où elle vivait seule.

 

Après-guerre, dans une libraire du quartier Latin, elle rencontre Nachat Martini, ancien agent secret qui a fui la Syrie en 1947. Ils se marient en 1955 et achètent des cabarets à Pigalle. Lui nage déjà comme un poisson dans l’eau jusqu’au bout de la nuit. Mais il se noie : cinq ans après les noces, il succombe à une crise cardiaque. La meilleure défense contre le désespoir, c’est l’attaque : sa veuve étend l’empire du drink et des paillettes jusqu’à Las Vegas. « Quand Sinatra me voyait, il disait à sa femme : c’est ma boss », se vantait-elle comme une enfant en 2012.

On lui demandait comment une femme aussi douce avait pû se tailler ce territoire en eaux troubles : « Je ne suis pas généreuse », disait-elle, en joignant le geste pour signifier qu’elle savait compter ses sous et garder ce qui lui appartenait. Dans la faune du Paris nocturne, elle était connue pour ses chapeaux excentriques, et ses fréquentations un peu excessives aussi : « Il y a des gangsters à Paris comme à Vegas », éludait-elle d’un sourire

Au moment de tout vendre, la vieille dame férue de gros romans russes avait seulement gardé deux robes hongroises, « pour traîner à la maison, parce que je n’aime pas m’habiller en civil, même chez moi ». A l’époque, elle dictait ses mémoires à une secrétaire. On aimerait bien les lire.

Une cérémonie religieuse aura lieu ce jeudi à 14 heures à la cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky dans le VIIIe arrondissement de Paris, avant l’inhumation à Thiais (Val-de-Marne).

 

Source : leparisien.fr - Yves Jaeglé

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